Un huis-clos historique...

où se joue le destin d’un homme déchu et désespéré.

Château de Fontainebleau.

Nuit du 12 au 13 avril 1814.

Quelques jours après sa première abdication et la fin de l’Empire, alors que les dernières négociations menées par le Général de Caulaincourt lui ont attribué l’île d’Elbe comme nouveau royaume, Napoléon, sans armée, abandonné de tous, déchu et désespéré, tente de se suicider.

De cet épisode historique et véridique, longtemps tenu secret par ses différents protagonistes, Philippe Bulinge tire un formidable huis-clos théâtral entre Napoléon, le Général de Caulaincourt – son diplomate et surtout l’un des seuls à lui avoir régulièrement tenu tête – et le docteur Yvan, chirurgien au service personnel de l’Empereur depuis près de quinze ans.

Qui tente de mourir, cette nuit-là ? L’homme ou l’Empereur ? L’être tourmenté et épuisé ou la légende qui est née avec lui ? Peut-on laisser mourir Napoléon ? Peut-on l’aider à mourir ?

 

Qui tente de mourir, cette nuit-là ? L’homme ou l’Empereur ?

Napoléon : As-tu vécu vraiment, Napoléon ? As-tu passé un seul instant sans le regard de l’autre ? Sans chercher le regard de l’autre, l’écoute de l’autre, l’admiration, l’adoration de l’autre ? Tes mots ne sont pas ceux d’un être vivant, Napoléon. Tu t’es voulu… Dieu ? Une espèce de Dieu à mi-chemin entre le ciel et la terre ?... Et ce soir, tu as froid comme le dernier des hommes. Tu as froid, dans chacun de tes os, jusqu’à la douleur. Plus qu’en Russie. Plus qu’en enfer. - scène 1.

L’être tourmenté et épuisé ou la légende qui est née avec lui ?

Napoléon : Oui, Caulaincourt, j’ai commis des erreurs ! Et vous le savez mieux que quiconque. Oui, Caulaincourt, j’ai trop cru en ma bonne étoile et en mon armée invaincue ! Oui, Caulaincourt, mon ambition aurait dû connaitre des limites ! Mais qui a profité de chacune de mes erreurs ? Qui s’est jeté dessus comme un chien galeux se jette sur un morceau de viande que le boucher a négligé de surveiller ? Des hyènes, ce sont des hyènes ! Les hyènes ne sont pas des artisans de paix !

Vae Victis ! Malheur aux vaincus ! Vae Victis ! En quoi furent-ils malheureux ?

Je les ai tous vaincus, et vaincus, je les ai tous laissés sur leur trône. Le Russe, Le Prussien, L’Autrichien. Tous. J’ai épousé une archiduchesse autrichienne. Mon fils est à moitié autrichien. Combien de fois les ai-je vaincus ?  Et combien de fois leur ai-je tendu la main ? - scène 4.

Peut-on laisser mourir Napoléon ? Peut-on l’aider à mourir ?

Napoléon : Caulaincourt, j’ai froid… Vite, Yvan, vite. J’ai si froid, Caulaincourt, et il faudra faire battre les tambours. Ma carcasse résiste encore ! Battre les tambours et une charge ! Une belle charge ! Garde en tête ! Ma carcasse résiste encore et c’est intolérable !

Yvan, qui se rapproche de nouveau un verre à la main : Le poison s’est trouvé peut-être éventé…

Napoléon : La charge, garde en tête !

Yvan : Sire…

Napoléon : Mon cadavre hésite et tergiverse ! Et vous me proposez des peut-être ?

Yvan : Sire…

Napoléon : Agissez, Yvan !

Yvan : Sire… Que voulez-vous ? (Silence.) Que voulez-vous, exactement ?

Napoléon : Vous le savez très bien, docteur. - Scène 6.